Quinta-feira a noite / by Thomas
/ A palavra da semana /
Nouveau petit rituel dans notre cours de portugais hebdomadaire : a palavra da semana. C’est un petit exercice d’écriture où l’on parle de notre semaine à partir d’un mot choisi ayant du sens dans cette dernière.
Pour ma première tentative, voici ce que ça donne :
« Avião com motor »
As três palavras da semana são ‘’avião com motor’’. É no começo de uma canção que crianças da Casa das Cores cantam. Uma menina que tem doze anos tenta de ensinar me e meninos ensinam me muitas palavras, é difícil para mim de perceber e fixar todos, mas entendo cada vez melhor ! O meu trabalho é ótimo, mas as minhas horas de trabalho são de quatro da tarde a dez de noite e eu trabalho de quarta-feira a domingo. A terça-feira, tenho as aulas de português, por isso, é pena que não posso fazer otras cosas para mim.
Les trois mots de ma semaine sont ‘’avion avec moteur’’. C’est le début d’une chanson que les enfants de la Casa das Cores chantent. Une petite de 12 ans essaye de me l’apprendre, et de manière générale, ils m’apprennent tous beaucoup. C’est difficile pour moi de tout comprendre et retenir, mais rien de désespérant, c’est de mieux en mieux et c’est chouette ! Mon travail se passe très bien, mais mes horaires sont 16h-22h du mercredi au dimanche, et j’ai les cours de portugais le mardi. C’est dommage que je n’ai pas davantage de temps pour faire d’autres choses pour moi.
Ici, comme vous l’avez compris avec les précédents articles, nous sommes trois, Anne-Laure, Cécile et moi-même en mission interculturelle jusqu’à fin novembre soutenus par le programme Leonardo. Chacun notre tour, nous écrirons une petite note ici afin de parler de ce que nous vivons, ressentons, etc. Peut-être que nous parviendrons ainsi à en intéresser quelques-uns. Je tente donc aujourd’hui de lancer la machine, mais il m’est difficile de parler de Lisbonne si tôt. Moins d’un mois sur place ne suffit tout simplement pas à pouvoir émettre un jugement, je peux cependant tenter quelques simples observations de l’ordinaire lisboète. Un ordinaire qui, au fil des semaines, se transforme. Il quitte lentement la saison chaude où la ville transpire ses touristes, et où, de toutes parts, fusaient d’autres langues que le portugais. Drôle d’impression et difficile de s’immerger dans une culture de cette façon. Lisbonne me paraît largement pensé pour le tourisme, comme son poumon économique après une crise qui en laisse encore de très nombreux sur la touche — j’insiste, je parle de mon impression, et je m’arrête d’ailleurs de suite pour ne pas m’aventurer dans quelque chose que je ne maîtrise pas du tout.
Les locaux que j’ai pu rencontrer jusqu’à maintenant sont chaleureux et gentils. Toutes les fois où j’ai dû interpeller quelqu’un, la personne en question s’est réellement investie pour m’aider. Par exemple, s’il ne savait pas m’indiquer quelque chose correctement, il prenait la peine de m’accompagner, de chercher avec moi ou de m’orienter vers d’autres personnes. J’ai aussi remarqué qu’ici, les gens disent bonjour pour de vrai, c’en est surprenant au début. Je n’étais pas habitué aux regards profonds, aux longues poignées de mains et aux accolades avec des gens que je connais peu. Je vois dans cette exposition corporelle une vraie démonstration de confiance, et jusqu’à maintenant, les personnes que j’ai rencontrées se sont largement montrées à la hauteur de leurs bienveillances initiales. Ce n’est peut-être qu’un détail — et sans généraliser non plus —, mais j’ai souvent l’impression qu’en France, quand quelqu’un se présente à un groupe, le bonjour est rapide, le prénom balancé, et est oublié instantanément pas une bonne moitié du groupe en question. Ici, les gens prennent le temps d’écouter ton prénom, de l’intégrer et de le répéter s’ils ne sont pas certains d’avoir saisi. C’est un chouette état d’esprit.
Je disais plus tôt que la saison chaude était sur sa fin, mais il subsiste encore de nombreux visiteurs qui courent le centre et les lieux-que-l’on-doit-voir-absolument. Pour ma part, voilà une bonne dizaine de jours que je n’y pose plus trop mes pieds. Ma mission de travail ayant commencée, elle m’emmène dans un tout autre endroit, près de Bela Vista (linha vermelha), où l’architecture et l’odeur du centre ville sont troquées pour une ambiance d’austér(c)ité. Et là j’y vais un peu fort, car malgré la méfiance extrême des locaux, jugeant l’endroit inhospitalier et hostile, je n’y ai perçu aucune menace malgré les quelques errants brisant la tranquillité nocturne. Oui, une fois un dealer solitaire m’a proposé d’acheter de l’herbe, mais je ne crois pas qu’il se soit vexé par mon refus. Allez donc passer la nuit dans le centre ville, et vous vous apercevrez que ce n’est plus une seule personne qui vous propose d’acheter de quoi vous forcer à sourire, mais une armée organisée de dealer quadrillant chaque coin où il y a du passage. N’ayez crainte, ils ne vous attaqueront pas non plus.
En parlant de crainte infondée, ça me renvoie à ma lecture du moment : Libres enfants de Summerhill d’A.S. Neill. J’ai réalisé à quel point l’humanité est lâche et a peur de tant de choses aujourd’hui. Neill, en exposant son point de vue, explique que la peur est saine lorsqu’elle sert à la conservation de l’espèce afin qu’elle préserve les individus des dangers mortels, mais qu’elle a bien d’autres moteurs aujourd’hui. L’humanité est anxieuse de toutes choses : elle applaudit lorsque l’avion atterrit, elle a peur de l’orage et du tonnerre, elle a peur de la nuit, elle a peur lorsqu’elle affronte un inconnu, elle a peur d’une simple araignée, des insectes, des souris, elle se désinfecte les mains et les bras pour éviter les microbes avec ça… La peur est un apprentissage que l’adulte anxieux enseigne consciencieusement à ses enfants. Ne fais pas ci, ne fais pas ça, ne touche pas ça, tu dois travailler pour réussir, pense à ce que tu vas devenir, tu auras des cours particuliers si tu ne réussis pas en classe, ne me déçois pas, n’échoue pas sinon tu seras puni, n’échoue pas, n’échoue pas, n’échoue pas. Ces parents se rendent-ils comptent qu’ils sont coupables des craintes maladives de leurs enfants ? La société est malade et les phobies sont malsaines. Elles ne sont pas naturelles, elles s’installent lors de notre sociabilisation. Et la sociabilisation, c’est en grande partie notre entourage et les médias. Je ne veux plus craindre pour l’avenir. Je ne veux plus voir ma liberté de mouvement annihilée par le monde médiatique s’affairant chaque jour à renforcer les peurs des masses. Et par dessus tout, j’aime pouvoir marcher la nuit sans crainte.
Je me perds un peu dans mes réflexions à vouloir écrire quelque chose sur Lisbonne. Que pourrais-je donc bien dire sur la ville… peut-être que la sirène des ambulances ici est complètement dingue ? C’est vrai quoi, j’ai rarement entendu quelque chose d’aussi bruyant en ville ! Dormir la fenêtre ouverte ici, à moins de vivre dans un appartement perdu dans les petites ruelles, relève probablement de l’exploit. Ah et puis les étudiants arrivent en masse, et beaucoup portent un uniforme. Ce dernier est plutôt inattendu si l’on ne l’a jamais vu : avec de longues capes noires, on se croirait dans l’imaginaire de J.K Rowling.
Allez, finissons-en avec un petit conseil personnel qui ne vaut peut-être rien. Morgane, notre formatrice linguistique, nous a donné une méthode sympathique d’apprentissage qui consiste à utiliser 5 boîtes numérotées de 1 à 5, où l’on place dans la première une série de mots inscrits sur petits papiers, recto en français, verso en portugais. Chaque jour, il faut piocher toutes la série de papiers : ceux mémorisés sont placés dans la boîte suivante, ceux non mémorisés restent ou retournent dans la boîte numéro 1. Les papiers atteignant la boîte n°5 et passant une dernière fois le test sont bons à jeter : ils sont acquis. Et mon conseil, c’est de ne commencer que par du verbe. Une bonne centaine de verbe est pratique, car il est toujours très facile de demander comment se dit un objet ou autre, alors que demander en portugais un verbe est franchement plus compliqué !
A bientôt pour de prochaines aventures avec Anne-Laure autour du 25 septembre !
C’est l’heure de la citation du jour ! Et j’ai trop parlé de Neill pour ne pas vous faire profiter davantage de cet immense pédagogue :
« Les nouvelles générations doivent avoir le droit de croître dans la liberté. Le don de la liberté, c’est le don de l’amour. Et seul l’amour peut sauver le monde. » A.S. Neill – Libres enfants de Summerhill – (Part I – L’avenir de Summerhill)